L’interview « Paye ta Ville » de Milo

"Invisible minority" © Milo project

Déplacer des symboles, des personnages, hors de leur contexte initial. Brouiller ainsi les limites entre la réalité et la fiction, au coeur de l’espace urbain. C’est ce à quoi l’artiste plasticien Milo s’emploie, depuis déjà plusieurs années. Certaines de ses oeuvres surprenantes ont été rassemblées et exposées par le label Nouvel Art Urbain. Celui-ci soutient des artistes influencés par la ville, ses dynamiques et ses habitants.

C’est quoi ta ville ? Paris 20e, métro Pyrénées.

T’y habites depuis combien de temps ? Depuis que j’ai 10 ans. Ça fait donc 23 ans que j’y habite. Plus jeune, j’étais en région parisienne.

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Oui beaucoup, en grande partie à cause de la gentrification. J’ai vu en quelques années mon quartier changer de visage. Par exemple, quand j’habitais à Goncourt, le vieux bar du coin où j’allais acheter mes cigarettes et où tous les vieux du quartier venaient se poser en terrasse toute la journée s’est transformé en bar-restaurant huppé où on peut manger des sandwiches au homard ou du gouda à la truffe. On se retrouve avec deux populations qui se côtoient mais ne se mélangent pas. Les classes populaires sont tout simplement chassées du centre de Paris.

Où est-ce que tu vas pour te poser, être seul ? Dans un petit parc derrière Notre-Dame. Il y a beaucoup de bancs assez proches les uns des autres. Il y a beaucoup de touristes, on entend plein de langues et on croise beaucoup de cultures différentes tout en étant à deux pas du point zéro des routes de France. Ça donne un beau contraste entre se trouver au centre du très vieux Paris tout en étant entouré de gens du monde entier. Je passe pas mal de temps l’été à observer les gens.

La ville où t’aimerais habiter, et pourquoi? Tokyo. J’ai eu un coup de cœur pour cette ville,pour sa richesse culturelle, ses contrastes : c’est une ville qui se situe au croisement entre le futurisme et la spiritualité, entre l’urbanisme poussé à son paroxysme et la tranquillité. J’aime le fourmillement incessant de ses habitants, ses lumières, la nuit si particulière, sa verticalité, ses lieux atypiques, ses grands jardins japonais surréalistes, ses temples. C’est marrant le sentiment contradictoire que l’on ressent quand on se retrouve au milieu d’un carrefour immense sur-stimulé par des panneaux de lumières gigantesques, du son, et des milliers de Japonais qui grouillent dans ce grand labyrinthe.

Tokyo et ses lumières la nuit © Sato Shintaro

Ta ville idéale ? Une ville qui fonctionnerait sur le troc de biens ou de services, je t’échange une pastèque contre un cours de peinture.  

Ta ville cauchemar ? Une petite ville où tout le monde se connaît.

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? J’ai toujours de la musique ou des podcasts dans les oreilles !

Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? Les futurs couples qui se séduisent, c’est drôle d’observer leur langage corporel… ou les vieux couples qui ne se parlent plus et passe leur soirée à regarder la vie qu’ils n’ont pas eue sur leurs téléphones respectifs !

La ville/le quartier où marcher la nuit ? Osaka.

Un film sur la ville ? Le joli mai ! C’est un magnifique documentaire de Chris Marker et Pierre Lhomme sur le Paris des années 60 post guerre d’Algérie. Ils récoltent des témoignages de Parisiens qui parlent de leur bonheur, leurs peurs, leurs espoirs…

Une peinture ou photo de ville ? Vivian Meyer. C’est une nourrice qui passait ses journées à arpenter les rues de New York et Chicago dans les années 50 pour prendre des gens en photo. Ses photos ont été découvertes dans des vieux cartons après sa mort. Un regard brut sur la vie dans la ville. Elle reste malheureusement trop méconnue.

Une question que tu aurais aimée qu’on te pose au sujet de la ville ? Dans quelle ville aurais-tu aimé naître ?


Propos recueillis par Marie Piedeloup

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