Le Wesh et ses dialectes franciliens

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S’il arrive fréquemment qu’un jeune admirateur de la langue de Molière se retrouve offusqué face à l’argot banlieusard, l’âme périphérique qui m’habite n’en est pas moins troublée lorsque je traverse les différentes portes de Paris. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il peut exister une véritable barrière du langage entre différentes nations banlieusardes délimitées par les départements franciliens possédant chacun ses propres coutumes de langage. Certes l’argot périphérique s’est répandu mais il n’est pas uniforme.

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Affiche de « Wesh Wesh, qu’est-ce qui se passe ? », sorti le 30 avril 2002 au cinéma

De nombreux dictionnaires du wesh existent mais il m’apparait possible de catégoriser certaines expressions, métaphores ou mots par département. Si le langage des cités est un signe identitaire bien distinctif, il permet de se « reconnaitre » et constitue une véritable approche culturelle. En effet, lorsqu’on croise un autre banlieusard identifié, s’initie alors un contact tout à fait différent que si l’on s’adressait dans un français courant. Car ce parlé renvoie à l’identification d’une catégorie de la population partageant un vécu, un quotidien, une culture semblable, souvent ghettoisée. Le wesh peut alors devenir une véritable barrière de sociabilité pour des étrangers à ce langage. Alors que le français courant poserait les mots d’une normalité, qui se voit d’ailleurs instrumentalisée par les communicants politiques afin de soigner l’électorat populaire et ne pas souligner la fracture sociale par le langage ; l’argot banlieusard se veut référent à une population bien précise qui même en adoptant l’éloquence d’un Denis Podalydès peut se voir trahie par un accent qui se traduit par un certain style d’intonation et de prononciation.

Seulement cette distinction par le langage se situe aussi à une échelle plus petite, si l’on sait que le « gadjo » (garçon) marseillais n’est pas le « keum » parisien que dire alors des différences franciliennes ? Le langage ayant une fonction de reconnaissance identitaire et culturelle, il peut aussi contribuer au sentiment d’appartenance à un département. On peut s’amuser à comparer le wesh à l’arabe, une langue commune mais des dialectes différents par nation banlieusarde, pouvant rendre alors un Séquano-Dionysien complètement incompréhensible pour le petit Alto-Séquanais que je suis ; exemple :

« Wesh narvalo, ça se mirave ou quoi ? Tu veux pillave ?».
Je défie tout étranger à la Seine Saint-Denis, de comprendre.

Un Montreuillois préférera un « je me suis fait rodave par la daronne à la caire » quand un Nanterrien se suffira d’un « ma daronne m’a cramé chez oim ». Les exemples n’en finissent pas d’un département à un autre. En voici quelques autres, typiquement départementaux : « Gogné » qui vient des Yvelines, utilisé pour dire « c’est nul » ou encore le fameux « s’enjailler » de nos confrères de l’Essonne, provenant de l’ivoirien et popularisé par le coupé-décalé. D’ailleurs, notons que la présence plus ou moins forte d’un type de communauté influence grandement l’argot départemental ou local. La forte communauté maghrébine de Gennevilliers s’imprégnant par exemple d’un «Yeaaah Zerma » (le yeah étant appuyé) ou encore l’expression « N’DA » à Corbeil-Essonnes, emprunté à l’ingala (dialecte congolais).

Toutes ces manières de parler et de s’approprier une langue peuvent rendre difficile la conversation entre deux banlieusards, mais heureusement il y a un certain équilibre du wesh, avec des expressions et des mots qui sont communs et véhiculés le plus souvent par le rap. Au mieux, il reste le français, appris le plus souvent à l’école, considéré comme un « trésor de guerre » selon la formule de Léopold Sédar Senghor. Cette organisation verticale du wesh, d’un format national à un format plus local, nécessite notre plus grande attention car il ne faut pas oublier que la fonction la plus symbolique d’une langue, est qu’elle prouve qu’un peuple existe…

Pour aller plus loin : http://www.dictionnairedelazone.fr

narvalo: adj. nom. fou (peut être utiliser dans un sens péjoratif comme mélioratif) – fém. narvali
mirave : se faire plaisir. Synonyme. S’enjailler ou « ça se met bien »
pillave : boire de l’acool
daronne : nom féminin. mère – masc. Daron
caire : nom féminin. maison
cramé : attrapé, vu. Synonyme.grillé.
s’enjailler : se faire plaisir
zerma : faire croire, faire semblant
N’DA : bien, bon.


Bilal Djelassi
Remerciements à Ines, Linda, Esaie, Ismael et Paco.

 

En complément, une fable remise aux mots du jour : Le paysans et ses tipeux

5 Comments

  • July dit :

    Haha mais juste excellent. Après comme tu dis faudrait rajouter l’argot des autres villes de France. A Rennes pour dire qu’un truc est trop frais on dit c’est ratal !
    Et sinon je dois être de Nanterre au fond… Les autres j’ai rien capté.
    Super article.

  • Hugo dit :

    J’ai toujours trouvé dongue la diversité et la vitesse à laquelle évolue le langage banlieusard. Tu passes un an à l’étranger, t’es déjà à la rue (enfin, façon de parler, car l’emploi de cette expression n’est pas très pertinent en l’occurrence). J’ai même constaté l’apparition de micro-zones linguistiques au sein même des départements. Par exemple, j’ai jamais entendu quelqu’un utiliser « t’es en crime » (t’es en chien, t’es en hass) ou « chécro » (draguer) en dehors du 92 Sud. Après je me trompe peut-être, les choses évoluent bien vite.

  • Bilal dit :

    Si je suis d’accord avec toi pour les évolutions locales. Mais si tu regardes bien en général le cheminement d’une expression passe par une cité puis ça va du bouche à oreille (dans les quartiers voisins, les établissements scolaires voisins etc etc…). Après comme je le disais sur le plan national c’est le rap qui uniformise le langage banlieusard.

  • Kays dit :

    Pas mal.. Je crois que je suis a peu pres polyglotte..
    Petite précision, ce que tu apelles le Sequano Dionysien est surtout, basé sur le Montreuillois (mots en ave) , tres influencé par le gitan. Communauté sédentaire présente depuis des générations et qui s’est étendue aux communes alentours..

  • TarteretZoo91Tamime dit :

    Je pense que le 91 est vraiment le plus dur a comprendre niveau expression par exemple t’es bad wo, t’es yomb, vasy les boug jkil, la mula etc.
    91 departement violent fuck les condés la juge et cette putain de ce-fran
    BREF LES TARTERETS AU SOMMET

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