L’interview « Paye ta Ville » avec Chilla

Chilla
Chanteuse depuis toujours et rappeuse cash, entre featurings classieux et sons coup de poing, Chilla monte et s’affirme. On l’avait croisée au détour de la conférence Madame Rap x Paris Hip Hop : Rap et genres, de la domination à la transgression il y a un mois, et elle revient aujourd’hui  sur le titre Question de Alex Aiono. L’occasion d’un Paye ta Ville ?

T’habites où ? J’habite dans le centre de Lyon, dans le quartier étudiant.

T’y es depuis combien de temps ? Depuis 4 ans et demi maintenant.

Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? Les transports en commun : c’était la découverte pour moi ! Je viens de la campagne où on ne peut rien faire sans voiture. Les transports, ou d’ailleurs les commerces ouverts après 20 heures, c’était un signe d’indépendance énorme.

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Non, pas vraiment. J’y suis tellement bien… elle est à taille humaine, on peut tout faire à pied, etc. En fait, c’est plutôt moi qu’elle a changée ! On parle toujours de ville “connectée” mais finalement j’ai plus le sentiment que la ville pousse à la déconnexion entre les individus, par rapport à la province. Mais l’ambiance urbaine m’a permis de voir grand pour moi et mon avenir ! J’ai pu voir et faire plein de concerts auxquels je n’avais pas accès auparavant.

Où est-ce que tu vas pour te poser ? C’est tout bête, mais j’ai grandi à côté de lacs et j’ai été en internat au lycée à Annecy pendant 4 ans. Le rapport à l’eau me manque un peu, du coup je vais sur les quais.

Les canaux d’Annecy

Une expression de ta ville que tu aimes bien ? La première qui me vient, c’est une que j’aime pas : « cher » ; « j’ai cher envie de faire ça »… On me dit tout le temps que j’ai des expressions bizarres mais je ne crois pas qu’elles viennent de Lyon !

La ville où t’aimerais habiter ? Londres je crois. C’est proche de la France, de la Belgique, et donc cela permettrait de vivre à l’étranger sans m’éloigner de mes racines. Et puis c’est un épicentre de la culture internationale, c’est super arty… J’aime bien l’esprit anglais et cosmopolite de la ville aussi. Autre avantage : ça me permettrait de perfectionner mon anglais ! Sinon j’aime la mentalité de Québec ! Mais bon j’aime moins le froid… (rires)

Des bruits de la ville qui t’ont influencée dans tes productions ? Non, pas vraiment. Mais je ne compose pas encore moi-même mes productions, donc c’est assez difficile de répondre. Le fait est que le bruit de la ville m’a plutôt empêché de dormir : entre la campagne et Lyon mon sommeil a complètement changé. Parfois les bruits de la ville deviennent angoissants durant la nuit, c’est peut-être un problème particulier de ma rue mais j’entends surtout des gens se faire taper la nuit !

Je suis passée des vaches à une ville de presque 500 000 personnes, et ça a été une exposition assez violente à la réalité de la rue dans la ville. Dans mon village, on est confronté aux petits vieux et leurs remarques un peu malsaines… mais en ville dans les espaces publics, une femme a moins sa place qu’un gang de 6 mecs !

Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Je vois bien un nom de couleur… J’essaie d’imaginer : les gens auraient la mentalité des Québécois, le printemps y serait constant, elle serait entourée de montagnes et de lacs… Allez disons qu’elle s’appellerait Chillopolis, c’est tout ce qui me vient et clairement je la construis pour mes goûts (rires) !

Ta ville cauchemar ? Une ville en hiver constant avec l’odeur de Paris – ou pire, d’une bouche de métro parisien –  qui ressemblerait au quartier le plus pété de Paris. L’hiver au pied du Jura c’est magnifique mais en ville, honnêtement, je vois pourquoi on parle de dépression saisonnière !

Ce qui t’apaise en ville ? J’aime quand c’est calme en fin de journée ou les week-ends avec leurs balades sur les quais.

Ce qui t’énerve en ville ? Les bruits constants, l’énervement des gens dans le métro… Mais c’est toujours une question d’état d’esprit et de perspective : si je suis de mauvaise humeur, tout empire, mais ça dépend de moi à la base.

Ville de jour ou ville de nuit ? Ville de fin de journée, avec le soleil couchant, c’est le plus beau moment.

Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? Rien qu’à Paris il y a tellement de trucs… Partir à Miami c’était la folie aussi, donc je serais hyper partante pour renouveler l’expérience aux States.

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Me caler sur les quais en fin de semaine, avec mes potes.

Et dans une ville étrangère ? J’ai grandi à la frontière de Genève. Là-bas, j’ai mes habitudes aussi mais je préfère encore faire des barbecues sur les plages des villages : c’est tout un espace qu’on peut s’approprier, bien plus que dans n’importe quelle ville.

Le type de personnes que tu aimes observer à une terrasse de café ? J’aime observer en général. Forcément, c’est toujours plus facile de se laisser attraper par celui ou celle qui se fait le plus remarquer… J’aime bien regarder ceux qui font du sport aussi, qui passent devant moi ou les groupes de mecs, en particulier leurs interactions avec les filles qui passent.

Plutôt multitude ou solitude ville ? Pendant 3 ans, j’aurais dit multitude. Mais cette dernière année a plutôt été « solitude ». Evidemment je sors voir des gens, mais je ne vais jamais en boîte par exemple. Et pour faire du son, j’ai passé beaucoup de temps en solo, enfermée chez moi ou en studio… Mais bon je déménage bientôt à Paris, donc je suis chaud pour repartir dans la multitude ! Paradoxalement, la ville appelle pas mal la solitude : on y a toujours moins de repères, moins d’espaces à s’approprier… tandis que là où j’ai grandi on avait plus tendance à tous s’appeler pour aller dehors.

La ville où prendre sa retraite ? En Indonésie ? En Amérique latine ? Quelque part avec une ambiance d’île : que ce soit à l’autre bout du monde ou pas, j’aime l’image d’une petite île et sa plage déserte. Sinon, dans l’idéal, une ville avec la structure d’Annecy, mais hors de France. Je m’en fiche de savoir où, tant qu’il y a une montagne et un lac.

Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? Les berges du Rhône, encore et toujours.

Une musique sur la ville ? C’est pas forcément un son que j’écoute souvent, mais je dirais Englishman In New York de Sting.

Un film sur la ville ? La Haine, immédiatement, avec tout son béton.

Un livre sur la ville ? King Kong Theory, c’est une bonne porte d’entrée pour comprendre notre position en tant que femmes dans la société et dans la ville, et se projeter un peu. C’est super représentatif !

Ta ville rêvée pour jouer un concert ? New York ou Los Angeles, parce que j’aimerais ressentir ce que sont ces concerts maousses avec je ne sais combien de personnes… Ou à l’inverse, un concert dans un micro village au fin fond de Cuba, sans moyens techniques ni rien.

Dans mes rêves, j’aimerais vivre quelque chose d’aussi fort que Sofiane/Fianso qui retourne jouer en Algérie et est accueilli comme jamais… Si je peux un jour faire un concert gratuit sur la plus grande place de Madagascar je fonce direct !

Ton endroit dans le monde préféré pour voir un live de musique ? Imaginons un instant un concert devant les Pyramides de Gizeh. Ou même un festival ! Le Coachella égyptien… Devant les 7 merveilles du monde finalement, devant les monuments mayas ou indiens ce serait fou ! Je pense aux pyramides parce que c’est les seules que j’ai eu la chance de voir en vrai…

Les pyramides de Gizeh

La ville que tu préfères pour acheter des records ? Londres.

Si tu devais remplacer un monument lyonnais par quelque chose ce serait quoi ? Il y a une antenne relais qui ressemble un peu à la tour Eiffel. Soyons efficaces, je mettrais la vraie à la place !

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la ville ? C’est déjà assez complet et large comme interview !

 

Chilla sera en concert à Bordeaux le 23 septembre et au Mama Festival le 20 octobre à l’Elysée-Montmartre à Paris.


Photo de couverture : N-dy Photography

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