L’interview « Paye ta Ville » avec Nodey

Tour à tour beatmaker, producteur, DJ et compositeur, Nodey a travaillé avec Youssoupha, le Musée d’Orsay ou Flynt, et cotoyé aussi bien PNL que Normanfaitdesvidéos. Il a sorti deux EPs, empreints de ses deux amours : le hip-hop et le Viêt Nam, pays d’origine de ses parents. « L’ingé devenu artiste » nous livre un « Paye ta Ville » à son image : poétique, cynique et second degré au possible. 

T’habites où ? Paris 13e.

T’y es depuis combien de temps ? J’ai toujours vécu en Ile-de-France. Je suis né à Paris et j’ai vécu plus de 20 ans dans le 94.

Ton premier souvenir marquant dans ta ville ? J’ai fait les 5 premières années de ma vie terrestre à Paris 15ème.  Ma grande soeur et moi avions une chambre qui donnait sur les tours de Beaugrenelle. Je m’endormais tous les soirs en regardant la cheminée blanche du Front-de-Seine construit par François Stahly.

Les tours de Beaugrenelle; en blanc, la cheminée.

Les tours de Beaugrenelle ; en blanc, la cheminée © mcalp.fr

Est-ce que tu trouves que cette ville a changé ? Plutôt oui. J’ai grandi avec un Paris recouvert de graffitis qui ont désormais disparu. Beaucoup de petits commerces locaux ont aussi disparu au profit d’enseignes et franchises sionistes et illuminatis.

Où est-ce que tu vas pour te poser ? J’ai un abonnement à la Bibliothèque François Mitterrand. Si je veux être au calme, je vais lire ou bien je me fais une partie d’Assassins Creed dans la salle A qui contient des émulateurs de Playstation. C’est un peu le paradis des chômeurs là bas.

Une expression de ta ville ? J’ai remarqué que chez nous on dit un grec alors que partout en province, ils disent un kebab. Une fois, j’étais dans un grec d’une cité lyonnaise et je commandais «un grec», et le mec du grec comprenait pas ce que je demandais. Ça a duré une minute jusqu’à ce que je comprenne qu’il fallait demander un kebab.

La ville où t’aimerais habiter ? À la fin de l’année, je m’installe quelques temps à Shanghai. Y’a un délire futuriste exotique à la Ghost in the Shell qui me plait bien.

C’est quoi pour toi le bruit de la ville ? J’ai grandi aux Juilliottes à Maisons-Alfort, un quartier collé à l’autoroute A86. J’ai beaucoup de tendresse pour le bruit blanc réverbéré que font les voitures la nuit sur l’A86. C’est notre équivalent urbain du bruit de la mer.

Comment s’appellerait ta ville imaginaire et à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? Elle s’appellerait Unemployment City. Ce serait une ville très futuriste où il n’y aurait que des chômeurs car tous les emplois auraient été pris par les Chinois et les robots. Les gens seraient obligés de trouver des hobbies pour donner un semblant de sens à leur vie. Les jeunes se déplaceraient sur des skateboards ou des drones. Ceux qui ont la main verte cultiveraient de la weed et des légumes bio en culture hydroponique dans des containers. Unemployment City ressemblerait un peu à Berlin mais en plus futuriste.

Ta ville idéale ? Une ville blanche sans immigrés.

Ta ville cauchemar ? Une ville où on entendrait Despacito à chaque coin de rue. On est très proche de cette dystopie finalement.

Ce qui t’énerve en ville ? Ce qui me fatigue à la longue, c’est le bruit continu.

Ce qui t’apaise en ville ? J’aime bien m’apaiser dans des endroits calmes où les voitures n’ont pas accès : Olympiades, BNF, églises, etc.

Le lieu urbain où tu voudrais tourner un clip ? J’ai vu en Chine des images d’une ville qui est une immense centrale électrique solaire. La ville ressemble à un miroir géant. Ce serait joli de tourner un clip là-bas.

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La ferme solaire flottante d’Anhui en Chine © Geo.tv

La petite habitude que tu as quand tu es dans ta ville ? Le matin : pain au chocolat et café allongé a la boulangerie. Quand tu voyages un peu, tu te rends compte que ce geste banal est quand même un luxe bien de chez nous.

Et dans une ville étrangère ? À Saigon, tu remplaces le pain au chocolat avec café allongé par un phở avec café au lait concentré glacé. Le Viêt Nam, c’est cool pour la bouffe.

La ville où prendre ta retraite ? Je me vois bien finir mes jours dans une colonie sur Mars.

Une ville ou un quartier où marcher la nuit ? Varanasi en Inde.

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Varanasi en Inde durant la cérémonie des défunts © Ennuipas

Une musique sur la ville ? Flynt, J’éclaire ma ville

Un livre sur la ville ? Le Grand Paris d’Aurélien Bellanger

Une peinture ou une photo de la ville ? Montparnasse, d’Andreas Gursky

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Montparnasse © Andreas Gursky

La ville où tu préfères digger des sons ? YouTube.

Si tu devais remplacer un monument de ta ville par quelque chose d’autre, ce serait par quoi ? Je ferais sauter le périphérique. Et je mettrais rien à la place. Ce périph a une symbolique un peu trop excluante à mon goût.

Une question que tu aurais aimé qu’on te pose au sujet de la ville ? Je t’avoue que je ne sais pas du tout répondre à ce genre de question.

Si c’est une question ouverte afin de conclure cette interview, je dirais qu’il faut apprendre à dominer la ville et ne pas se laisser étouffer par elle. Pour ça, apprendre à marcher tranquillement dans la ville afin de l’admirer, c’est sympa. Et comme dit tonton Rim’k « Tu peux être le prince de la ville si tu veux, où tu veux, quand tu veux » !


Nodey se produira le 11 aôut au Nouveau Casino, le 12 août à la Summer House et le 31 août à l’Open Minded Festival

Propos recueillis par Ilan Mouyal
Photo de couverture : Karim Massoteau

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