Tchao Pantin : Pantin se métamorphose, les souvenirs aussi

Café Tchao Pantin
Café Tchao Pantin

Avec le Grand Paris, nombreuses sont les personnes qui voient les villes de l’est parisien comme de nouvelles villes où il fera bon vivre. Nouveaux quartiers, nouveaux services. Mais qu’en est-il des histoires des premiers habitants qui ont vu leur ville se métamorphoser ?

Pantin, ville de 55 000 habitants connue pour ses grands moulins qui ont été restaurés par la banque BNP.  Sa gare, construite en 1864, est maintenant traversée par le RER E et traversée par plus de 8 millions de voyageurs par an. Elle aussi est en travaux, pour mieux accueillir cette hausse de la fréquentation.

La gare de Pantin est la porte d’entrée de nombreuses personnes pour venir travailler dans la ville ou bien pour regagner son foyer. C’est à cet endroit que Louise, 27 ans, un mètre soixante, cheveux blonds, yeux bleus pétillants et un sourire accueillant attend. « C’est mieux de découvrir une ville par ses habitants non ? ».  Notre guide a vécu à Pantin pendant plus de 20 ans et sa famille y réside encore. Elle a déménagé plusieurs fois dans la ville et elle a fait une partie de sa scolarité à Pantin.

Il est temps de quitter la gare. Direction les Grands Moulins.

Les Grands Moulins
pantin rue débarcadère

Rue du débarcadère à Pantin.

Louise emprunte la rue du débarcadère. Cette rue longe la voie du RER. « Avant, quand j’étais enfant, il ne faisait pas bon rester là. » Elle marque un temps de pause. « Ce n’était pas le meilleur endroit pour se promener, il y-avait énormément de bagarres. Mais ça a bien changé maintenant. » Apres une courte marche, elle s’arrête devant les Grands Moulins. Ces moulins servaient autrefois à alimenter Paris en grains. Maintenant, c’est devenu le siège d’une section de la BNP. Les travaux ont permis de conserver l’aspect agricole du bâtiment mais l’ensemble a été modernisé. Des grandes fenêtres ont été installées pour y faire rentrer la lumière du soleil. Louise reste quelques instants à regarder le bâtiment. « Avant les travaux, le père d’une amie y travaillait, mais il est décédé à cause de l’amiante. » Son esprit s’échappe. « Il y’a plus rien à voir ici. » La guide continue sur cette route et traverse le canal de l’Ourcq grâce à un nouveau pont construit en 2011 pour faire circuler le tramway T3b. « Pantin change beaucoup » lâche-t-elle. Après avoir traversé le pont et emprunté un enchaînement de petites rues, elle s’arrête.

Rue du Congo
Pantin

Rue du Congo à Pantin.« Il n y a plus rien » constate Louise.

« Voilà ! Rue du Congo. Je suis arrivée à Pantin ici. J’étais un bébé ». Elle se retourne, tourne sur elle-même. « Le bâtiment que je voulais te montrer n’est plus là. C’est là où j’ai grandi ». À la place de l’immeuble se trouve un champ de ruines, encerclé par une grande palissade. Le bâtiment a été démoli pour la rénovation urbaine. Elle regarde partout à la recherche d’un morceau de brique, de souvenir mais « il n y a plus rien ». Elle prend une petite respiration et reprend la route.

Rue Victor Hugo
Pantin

Fresque sur la maison des associations à Pantin.

Après une petite marche, Louise désigne de la main un immeuble et une rue. « J’ai vécu dans ce bâtiment pendant deux ans. Rien n’a changé ici, ça doit être l’une des dernières rues de Pantin intacte ». Elle regarde vaguement dans la rue, elle esquisse un sourire. « Ah oui ! Un coup de foudre avec un ancien voisin ici. Je l’ai rencontré à un concert ». La visite continue, on arrive devant la maison des associations de Pantin. « Je passais énormément de temps ici avec ma mère, il y avait une ambiance géniale ! Tout le monde se connaissait ! ». Une tempête de souvenirs doit se dérouler en elle en ce moment, son visage s’illumine. Elle marche dans la ruelle avec le sourire aux lèvres. « Il y a toujours le même bac à fleurs ! Incroyable ça n’a pas changé ! ». Désormais, ce sourire ne la quittera plus. Elle s’attarde un instant sur la fresque du bâtiment.

Rue Montgolfier
Pantin

Nouvelle Architecture à Pantin.

Direction la rue Montgolfier, la rue où Louise a vécu le plus longtemps. Cette rue-là a beaucoup changé. De par ses bâtiments ou ses habitants. Avant, on y trouvait une librairie où Louise allait souvent avec sa mère pour y acheter de quoi dessiner, écrire et lire. Il y avait toujours quelque chose de nouveau là-bas. Dans cette rue on trouvait aussi un bâtiment qu’elle et ses amis avaient surnommé la « maison hantée » pendant son adolescence. Cette maison n’était ni hantée, ni abandonnée. Il s’agissait d’un refuge pour SDF. Le bâtiment est toujours là, mais le refuge est fermé maintenant. Plus loin, on aperçoit un immeuble avec une architecture plus moderne. Façade métallique, avec des commerces au rez-de-chaussée. « Ce bâtiment, c’est vraiment le reflet du changement de Pantin. On y trouve un magasin bio et un restaurant japonais. Avant, c’était impensable ! ». Louise y est allé plusieurs fois pour des boulots de baby-sitting. Les habitants qui l’employaient avaient un niveau de vie plus élevé que la plupart des habitants de Pantin qu’elle avait connu jusque-là. Au fur et à mesure, les voisins ont changé eux aussi. Les nouveaux habitants viennent de Paris, ils ont des salaires plus confortables mais ne peuvent pas habiter dans la capitale. Depuis l’arrivée des Ateliers d’Hermès et de la banque BNP aux Grands Moulins, de nouveaux résidents sont arrivés. D’anciens appartements ont été abandonnés, vendus puis démolis afin de pouvoir réaliser de nouveaux programmes immobiliers.

Pantin

La maison hantée à Pantin.

La météo n’est pas clémente, Louise décide d’une halte dans un café proche de la gare pour finir la visite. Tout le long du chemin, le nombre de panneaux annonçant la destruction, la vente ou la réalisation de nouveaux bâtiments est impressionnant. La marche continue en direction de la gare, on passe devant un café nommé « Tchao Pantin », mais Louise ne s’y arrête pas. Elle a faim. Elle décide enfin qu’un restaurant italien fera l’affaire. Un café allongé plus tard, la visite reprend. Alors qu’on s’approche de la place de la gare de Pantin, elle observe un homme d’environ 50 ans debout à un arrêt de bus. Cheveux courts, lunettes à fine monture noire, cheveux poivre et sel. Il est accompagné de ses deux enfants âgés de 9 et 13 ans. Elle semble le reconnaître. Après une courte hésitation, Louise se décide à lui parler. « Mais oui ! Je me rappelle de vous ! De vous et de votre mère ! ». L’homme qu’elle a reconnu est l’ancien propriétaire de la librairie. « Oh, la libraire c’est fini maintenant, je suis passé à autre chose » dit-il en regardant ses deux enfants. Les deux Pantinois continuent de parler. Le passé, le présent et le futur se mélangent continuellement dans leur discussion. Le bus arrive, la famille monte. Louise, reste à l’arrêt avec un sourire éblouissant. « J’en étais sûre que c’était lui ! Il n’a pas changé ». Elle se remet doucement de cette vague de souvenirs et reprend la route.

Toujours près de la gare, elle passe devant son ancienne école élémentaire, Sadi Carnot. Elle regarde l’école et remarque qu’elle est ouverte. « C’était mon école, je vais voir si je peux rentrer ». Un salon de parfumeurs s’organise. Elle profite de l’occasion pour visiter. Elle rentre, regarde et se rappelle de l’entrée, du directeur qui accueillait les enfants et les parents le matin. Elle fait quelques pas dans le hall et s’arrête au niveau des grandes portes doubles qui donnent sur la cour. Elle regarde par la fenêtre à la recherche de souvenirs, pointe du doigt des lieux dans la cour. Elle s’arrête, elle se retourne. Les bons souvenirs laissent une sensation agréable, ça se lit sur son visage.

« J’ai vécu pleins de choses incroyables dans cette école ! Les gens parlent toujours en mal des ZEP mais ici, je n’ai que des bons souvenirs. » Elle désigne vaguement le préau. « Là, j’ai fait du théâtre, de la chorale et on a même fait un concert avec Jacques Higelin ». Ses anciens professeurs, les voyages et sorties scolaires, tous ces évènements lui ont laissé de très bons souvenirs.

Retour au point de départ, Gare de Pantin. La nuit est tombante il est temps de rentrer chez soi. « C’était court, mais il y a tellement de choses à raconter ici, une autre fois peut être ».

 


Textes et photos : Mischaël Phémius

Article réalisé dans le cadre du programme Le Bruit de ma Ville