Portrait | Rosie, journaliste et entrepreneure engagée

Rosie_Gankey_Photo Rosie Gankey_crédit _David_Raga

Rosie arrive d’un pas tranquille à la gare de Rosa Parks (19ème). Armée d’un grand sourire, le froid glacial n’a visiblement pas entamé sa bonne humeur contagieuse. La jeune journaliste évoque la nouvelle aventure dans laquelle elle s’est lancée, l’entrepreneuriat, et ce qui l’y a conduite.

Passionnée par les civilisations anglophones et américaines, la blaxploitation¹ et plus largement l’Amérique noire, Rosie s’oriente vers un Master en Médias Internationaux à l’Université de Paris 8, après une licence d’Anglais à Tours. Ses études lui donnent l’opportunité de passer par plusieurs rédactions : Amina Mag, l’hebdomadaire du Parisien, Bonjour 93 ou encore Causette. Après toutes ces expériences, elle souhaite trouver une activité qui lui permette d’être plus proche des gens et d’adopter « une démarche plus simple et locale ». C’est alors qu’elle s’interroge sur ce qui l’anime vraiment. La réponse lui vient comme une évidence : sa sœur, atteinte de drépanocytose. Cette maladie génétique, qui est l’une des plus répandues dans le monde, affecte l’hémoglobine et se manifeste différemment d’un patient à l’autre. Elle est apparue et s’est développée dans les pays de l’hémisphère sud (notamment l’Inde, le Maghreb, l’Afrique subsaharienne, le Moyen-Orient et les pays méditerranéens). L’Afrique subsaharienne, l’Inde et le Brésil sont les zones les plus affectées. Au total, on estime à plus de 150 millions le nombre de personnes qui seraient atteintes de la maladie. À cela, il faut ajouter qu’elle concernerait plus de 500 000 nouvelles naissances chaque année, d’après l’Association Pour l’Information et la Prévention de la Drépanocytose (APIPD).

Face à cette réalité, Rosie cherche un moyen de faire parler de la maladie autour d’elle. « Je voulais apporter ma contribution en sensibilisant le grand public » affirme-t-elle d’un air déterminé. Son choix se portera sur l’entrepreneuriat. Son projet ? Niama Niama² : recycler des chutes de tissus et des vêtements jugés inexploitables et les utiliser comme matières premières pour créer des accessoires de mode uniques (portes-monnaie, pochettes et sacs), tous faits main. « Pourquoi jeter des produits encore viables ? C’est une mine d’or pour moi ! ». Ses collectes, qu’elle effectue dans le 19ème arrondissement, s’accompagnent d’échanges sur la maladie. Rosie souhaiterait également reverser une partie des bénéfices de ses ventes à l’APIPD. Très sensible à l’économie circulaire, elle admire ce style de vie et s’en inspire fortement. L’idée de proposer un mode de consommation alternatif a donc un véritable sens pour elle. C’est même le cœur de son projet, en plus de sa dimension solidaire.

 

Sur le long terme, Rosie aimerait voir son activité s’étendre et créer des emplois en faisant appel à des personnes atteintes de la drépanocytose, mais aussi à des individus en réinsertion professionnelle et des personnes âgées. Fondée sur la revalorisation des produits et la coopération avec des acteurs de proximité, sa démarche se veut foncièrement locale à l’heure où la plupart des accessoires que nous portons au quotidien ont été fabriqués à l’autre bout du monde. Aujourd’hui, elle a besoin de relais et plus que jamais de soutiens. « Il y a tellement d’informations que tu ne sais plus où donner de la tête. Pour quelqu’un qui ne s’est jamais aventuré là-dedans (ndlr : l’entrepreneuriat), c’est très dur » dit-elle avec une pointe de frustration dans la voix.

À bientôt 30 ans, Rosie est à la croisée des chemins. Elle a présenté son projet à la Mairie du 19ème arrondissement et bénéficie du soutien de Sophie Minday (Adjointe au Maire, en charge de la propreté, de la valorisation des déchets et du Plan Vélo) mais tient à préciser qu’elle ne compte pas s’arrêter là. « Je crois en l’impossible : c’est la base de la foi ! Il y a dix ans, créer son entreprise était réservé à une élite. On vit à une époque où tout est faisable en termes de reconversion ».


1. Genre cinématographique apparu aux Etats-Unis au début des années 70, composé de films au casting mettant en avant des acteurs afro-américains, à la BO soul-funky, et à destination du public noir. (Source)
2. « Niama Niama » vient de l’ewe, dialecte d’Afrique de l’ouest (Togo) parlé par l’ethnie du même nom. Il désigne principalement de petits objets artisanaux conçus à partir de matériaux de récupération destinés à la vente sur les marchés de Lomé, la capitale. Le site web de la marque est en cours de création.

Ecrit par Laïlani Ridjali. 

Photo de couverture : David Raga.