Le ping-pong convivial du 18e

ping-pong

Suivez le guide, le temps d’une partie de ping-pong au square Maurice Kriegel-Valrimont. Un théâtre de quartier, où se croisent des figures increvables, selon la légende.

L’œil attentif saura lire dans les rues du 18e arrondissement d’étourdissantes nouvelles. En face du bar où l’après-midi, un serveur dansait avec une habituée, se trouve un dealer dont le sourire s’adresse à chaque passant. Sur une terrasse, une partie d’échec confronte un vieillard au costume décontracté à un jeune étudiant en philosophie. Un mendiant appelé Jean-Charles troublera sûrement la partie en demandant un brin de monnaie ou en lançant une histoire absurde qui mêlera « Tu connais Rihanna? » au récit d’un vol à l’arraché.

Trépidantes existences dans le brouhaha d’un boulevard Barbès toujours bondé ou d’une rue Clignancourt où les sirènes policières ne semblent jamais se taire. De nombreuses âmes en quête de quiétude et de convivialité descendent alors la rue Ramey, prennent à droite la rue Ferdinand Flocon et trouvent enfin ce havre qu’est le square Maurice Kriegel-Valrimont.

Ouvrez la grille verte, longez les bancs. Vous croiserez un groupe d’hommes buvant des 86 bien cachées, un lecteur absorbé par un ouvrage anglais ou un jeune fumant son joint « au calme ». Il prévient le photographe curieux : « pas de photo », avant de critiquer la présence policière dans la Goutte d’or. Au loin, une nuée tourbillonne autour d’un point précis. L’endroit semble être le point de rencontre de toutes ces trajectoires : une table de ping-pong au fond du square.

 

 

Ils s’appellent Tom, Assou, Junior, Yassine, Basile. Ils ont entre 7 et 13 ans et se retrouvent toutes les après-midi pour jouer au ping-pong dans un square près de Jules Joffrin. Ici, on joue, on ne s’affronte pas puisque chaque partie marque un retour à zéro et qu’il y a autant de gagnants que de gamins attroupés autour de la table. Certains se connaissent vaguement de l’école mais tous sont devenus copains dans ce square, à coup de smashs et de revers.

S’asseoir à côté de leur table de ping-pong c’est s’exposer au risque de devenir l’un des leurs, de se faire prêter une raquette et d’entrer en compétition pour ne rien gagner d’autre qu’une bonne bande de copains qui ne manquent jamais de nous appeler quand la partie recommence. « Hé, on joue ! »

On commente le match, ponctuant d’onomatopées tantôt joyeuses tantôt tristes les tirs qui se perdent dans les buissons et les grillages du parc.

On tape sur l’épaule de celui qui vient de perdre, avant de prendre sa place pour faire face au terrible Junior, incontestable champion de la ligue que constituent ces petits athlètes du 18ème arrondissement. Lancez la piste sonore pour entendre l’ambiance du parc et les rugissements de Junior.

 

 

On acclame Bertrand, le papa de Basile, qui arrive triomphant sur son monocycle, accueilli par les sourires des enfants. Lui aussi a sa raquette et bientôt il rejoint les rangs, dépassant de quelques dizaines de centimètres leurs petites têtes brunes et blondes.

On tourne autour de la table, en tapant chacun son tour dans la balle. Parfois, les éliminations sont accompagnées d’une blague entre les joueurs qui chantonnent le Sorry de Justin Bieber. Des blagues, ces gamins en font beaucoup. Très vite on s’accoutume au « Toun les gars toun » qu’ils crient tous en coeur, abréviation de « Tournez, les gars, tournez ! », et à leurs faux gémissements lorsqu’ils se font éliminer de la tournante.

On partage les raquettes, les balles et les paquets de fraise tagada qui finissent éventrés sur la table de ping-pong.

On leur dit au revoir en se demandant si, à un moment, ils se lasseront de jouer. Puis on se rappelle de Tom qui nous disait au début « Parfois on joue jusqu’à 21h ! ». Alors on s’en va, heureux de s’être fait plein de copains et se disant qu’on est bien obligé de revenir un jour pour mettre une rouste à Junior.

 

Guillaume Krempp et Nina Roques