Megacities Shortdocs

Nous sommes vendredi 25 Septembre 2015, il est 19h15 et j’arrive essoufflée et transpirante à l’Auditorium de l’Hôtel de ville de Paris afin d’assister au festival « Megacities ShortDocs, to improve the life of megacitizens ». Megacities ShortDocs est une compétition internationale de courts documentaires (format de 4 minutes), ayant pour thème les défis urbains auxquels les grandes métropoles du monde font face. Cette première édition concernait les villes de Shanghai, New York City et Paris, dans chacune desquelles s’est déroulé un festival afin de présenter les quinze « shortdocs » nominés. Le festival de Paris qui clôturait l’ensemble s’est ouvert à 19h30. Finalement, la belle salle de l’auditorium ne se remplira que vers 20h, ce qui me laissera une bonne trentaine de minutes afin de râler sur le fait que, moi, j’avais fait l’effort de courir pour arriver à l’heure. Mon voisin acquiesce gentiment à mon discours d’étudiante aigrie quand les organisateurs prennent le microphone afin de lancer les projections. Les lumières s’éteignent, mon caprice avec elles.

Kevin Frayer

 

Quinze documentaires de 4 minutes, pour la plupart réalisés par des étudiants, viennent nous dessiner les challenges des « megacities », mais avant tout des « megacitizens ».  Nous voyageons entre ces trois villes mythiques, par des points d’entrée aussi différents que personnels. Chaque réalisateur nous montre sa vision d’un problème… ou d’une solution. Des enfants de migrants interdits d’école à Shanghai[1] aux sans domicile fixe de Paris[2] en passant par la faim à New York[3] : des problèmes, il n’en manque pas. Des solutions non plus. C’est sur celles-ci que je m’attarderai ici, optimiste et tournée vers l’avenir. Profitez-en, mon sale caractère revient en seconde partie, la critique. Mais avant cela, arrêtons nous sur Mobil’douche. Dans son court métrage « Behind the scenes », Stéphanie Pleines dépeint la dualité de Paris entre ville de romance insouciante et de tourisme aisé d’un côté, et le calvaire des sans domicile fixe de l’autre. Non contente de donner la parole à ces sans-abri, la réalisatrice met également devant la caméra une initiative sociale innovatrice et efficace : Mobil’Douche. Mobil’Douche est une salle de bain itinérante proposée par l’association aux sans domicile fixe ou mal-logés. L’idée paraît simple, mais il fallait l’avoir, et surtout la mettre en place. Ranzika Faid – à l’initiative du projet – fait une petite intervention en toute simplicité ; elle et son association sont mon coup de cœur de la soirée, ainsi que ses mots dont je vais faire une transcription inexacte, mais proche :

« Le 6 Mai 2012 à 20h, deux hommes sont entrés dans l’Histoire : François Hollande est élu président de la République, et ce monsieur (montrant du doigt un homme souriant sur une photo projetée à l’écran) est le premier homme au monde à se doucher dans notre caravane aménagée ».

En effet, le concept de la douche mobile est né en France avec Mobil’Douche, et ça marche. Ca marche tellement bien que plusieurs villes d’Europe, mais aussi des Etats-Unis, ont pris contact avec Madame Faid pour développer ce type de service. Cela m’a rappelé que les bonnes idées sont transmissibles et que l’on a à apprendre de ce qu’il se passe ailleurs, dans d’autres villes, ouvrir nos yeux et nos oreilles, afin de découvrir de nouvelles solutions aux problèmes que nous rencontrons. Le problème de l’hygiène est crucial chez les sans-abri et les mal-logés, au-delà de la propreté et de la « présentabilité », c’est à la dignité humaine qu’il touche, et ce problème se retrouve dans l’ensemble des villes.

shortdocs

Bien évidemment, d’autres solutions aux problèmes des « megacitizens » nous sont également présentées. On peut citer les solutions alliant concret et humanité comme les associations offrant de l’aide alimentaire dans « Feed Back »[4] et « The new face of Hunger »[5]. De quoi nous rappeler que la faim dans le monde, c’est aussi chez nous, et que face à elle les associations de bénévoles luttent tout en tissant des liens avec les bénéficiaires. Dans la même catégorie, les associations de permaculture allient agriculture et jardinage en ville, en insistant sur l’aspect collaboratif : l’accent est mis sur le redéveloppement de liens sociaux à travers des travaux manuels propices à l’intérêt de tous, à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. Plus philosophique, Alexander Schadrov nous propose de prendre de la hauteur dans son film « Shanghigh », suivant les pas d’un accro du « rooftoping », activité consistant à monter sur les toits des immeubles et gratte-ciel de la ville afin de se la réapproprier, et de dépasser les visions et les images que l’on a d’elle au quotidien. Ce n’est pas simplement la ville qui est appréhendée dans toute sa complexité, mais également et en premier plan le citoyen et ses multiples facettes. L’évidence, peut-être oubliée chez certains, que la ville doit être au service de l’Homme, et non pas l’inverse, a toute sa place ici. Et moi, je me réjouis de voir l’Homme replacé au centre de l’histoire des « megacities ».

 

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Puisque je l’ai annoncé, je vais tout de même critiquer. Autre que la température ambiante nous donnant l’impression d’être dans une cave à vin d’avantage que dans un auditorium, j’ai été quelque peu déçue de certains films, mais plus encore des prix décernés lors de la soirée.  C’est certainement une histoire de goût et de couleur me direz-vous, mais en y réfléchissant un peu plus sérieusement, il y avait, d’après moi, un réel souci de définition concernant les attentes du jury et du festival. Quels sont les critères ? De quoi doivent traiter les films ? Est-ce avant tout un travail artistique ? Ou alors est-ce la présentation d’un projet innovant ? Et la problématique spécifique des « megacitizens » dans tout ça ?

En effet quand le film « Angel et les champignons »[6], présentation-monologue d’un des derniers champignonnistes de Paris, se termine, je suis touchée par l’œuvre artistique quasi-poétique, mais je n’arrive pas à lier le film au sous-titre du festival « to improve the life of megacitizens ». Quand Léa Cottais reçoit le prix du public pour son film « Peel good » – j’ai définitivement adhéré à l’association « Disco Soupe » qu’elle présente dedans – mais n’ai pas réellement apprécié le produit qu’est le film en tant que tel. Enfin, quand je vois « City of Gods » de Chunchun Weckerle récompensé par le « Student Award », je suis impressionnée par la technique et le travail de production qui me donne l’impression de voir une bande-annonce hollywoodienne de 4 minutes, mais n’y voit ni invention, ni innovation pour la ville, ni description d’un problème auquel font face les « megacitizens ».

Je reste donc un peu sur ma faim, mais il faut rappeler ici qu’étant la toute première édition du festival, elle est également l’édition « test ». Au fil des années, les critères, les objectifs et les exigences se dessineront sans aucun doute plus précisément. De plus, le festival couvrira l’année prochaine douze « megacities » et non trois. L’année d’après viendront s’y ajouter de nouvelles. On peut donc croire au potentiel de ce festival qui pourra à l’avenir prétendre à être davantage représentatif des problématiques et solutions de l’ensemble des « megaciti(z)e(n)s ».

Au final, je repartirai le sourire aux lèvres de ce festival. La simple idée qu’une compétition internationale de documentaires s’intéresse aux problématiques de la ville me fait réaliser qu’une prise de conscience générale est surement en route et qu’il y a des personnes comme les organisateurs du festival, les réalisateurs des films, les acteurs du monde associatif,  les spectateurs de l’auditorium,  qui souhaitent faire bouger les choses… comme moi.

Margot Catteau

 

[1] « Go to School » de Yuying Li
[2] « Behind the scenes » de Stephanie Pleines
[3] « The new face of Hunger » de Chante Graham
[4] “Feed Back » de Cedric Paulhiac
[5] The new face of Hunger » de Chante Graham
[6] « Angel et les champignons » Simon Bittmann