L’interview remixée – Partie II : La CHAUFFERIE

La Chaufferie party Noise machine moulin rouge B2B La Basse Cour
Line up La Chaufferie - Machine du Moulin Rouge

Suite et fin de notre revue de l’effectif artistique composé par Noise ayant pour mission d’ambiancer la Machine du Moulin Rouge ce jeudi soir.

Cette fois-ci, on descend à la Chaufferie, qui sera le théâtre d’une grosse orgie sonore concoctée par trois jeunes collectifs parisiens : B2B, La Basse Cour et Les Hydropathes. Amateurs d’EDM, passez votre chemin. Pour les autres, petits dialogues avec ces amoureux inconditionnés de Techno et de Deep House.

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B2B (Techno/House – LA CHAUFFERIE 23h-1h)

Quand on entend qu’un nouveau webzine spécialisé dans l’électro émerge en avril 2014, on peut légitiment se dire « merde, encore un de plus ». Et puis après avoir navigué sur le site de B2B, et avoir écouté l’excellente émission radio avec le musicologue spécialiste de la Techno Matthieu Guillien ou dévoré leur rubrique City Guide qui fait le point sur l’état des lieux électro et nocturne à Beyrouth, Vancouver ou Barcelone, force est de se réjouir que cette bande de geeks de la culture pousse le délire passionnel à un niveau tout à fait louable. B2B est né d’une petite émission de webradio, et Basile, l’un de ses éminents instigateurs, veut toujours conquérir le monde, par la toile comme par les ondes.

Face aux boîtes, au duo Taxi-RATP et aux voisins, Mark Zuckerberg a-t-il sauvé la vie nocturne parisienne, pour ne pas dire francilienne ?
Facebook facilite les choses pour repérer des évènements, mais je pense que c’est surtout dans la création et le partage de la musique que le rôle des outils numérique est décisif. Enfin, merci gros Zuck !

Qui est le Dj le plus drôle selon toi ?
Je me souviens d’une interview très très drôle de Seth Troxler. À l’inverse, Nicolas Jaar me donne le cafard.

Comment vois-tu évoluer les musiques électroniques dans 5 ans ?
Toujours plus de Djs, toujours plus de fans et toujours plus de tracks : que ce soit produire ou écouter, on peut tout faire sur son siège sans débourser un centime ou presque ! L’une des questions est de savoir comment les scènes undergrounds vont se réinventer face à cet afflux d’attention et de moyens. Parallèlement, l’industrie du vinyle va probablement continuer sa résurrection. Le concept de musiques électroniques va petit à petit être vidé de son sens tant l’électronique est présent chez tous les musiciens, dans la composition et sur scène. Il n’y a plus de groupe de rock sans controlleur ou beatmachine en live !

Et B2B dans tout ça? Toujours à la conquête du monde ?
En effet, notre plan quinquennal prévoit une victoire totale d’ici 2019.

D’ailleurs les prochaines destinations City Tour Guide les plus envisageables dans le futur : Pyongyang, Pristina ou Téhéran ?
Rio, Istanbul et Pékin ! (ndlr : on n’était pas loin)

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Last Camel in Paris – LA BASSE COUR (Techno/House – LA CHAUFFERIE 1h-3h)

La Basse Cour, c’est l’histoire d’une quinzaine de potes des quatre coins de Paname et de St-Ouen qui ont décidé de créer des synergies artistiques afin de « partager l’instant, dans toute son amplitude ; de la furie hédoniste à l’échange constructif en passant par l’oisiveté contemplative ». Initialement porté par les soirées et les musiques électroniques, ce collectif artistique autoproclamé « Utopie » touche un peu à tout, entre rap, dessins, cinéma ou encore photographie. On est allé papoter avec Last Camel in Paris, le duo du collectif composé par Arthur Leriche et Ugo Simon, qui au passage demeure l’un des papy-fondateurs de Noise.

Comment ça se passe le travail à plusieurs ? Vous bossez chacun de votre côté ?

Les membres du bureau sont responsables d’un certain nombre de tâches mais toutes les décisions sont votées collectivement. En ce qui concerne Last Camel in Paris, notre duo de DJs/producteurs, on bosse toujours à deux. Pour la composition comme pour le mix, on met tout ce qu’on trouve chacun de notre côté en commun (banques de son, VST, découvertes musicales…) puis on crée à deux à partir de ça.

Dans quelle mesure êtes-vous complémentaires ?
On se connaît très bien depuis un bout de temps, avant de commencer à mixer on partageait déjà beaucoup… Quand on est en DJ set, on n’a pas besoin de se parler, chacun rebondit sur le morceau de l’autre, ça crée une atmosphère différente d’un set individuel.

Vos albums références respectifs ?
Ugo : Artifakts de Plastikman sorti en 1998 sur le label M_nus.
Arthur : Thé au Harem d’Archimède de Ricardo Villalobos, sorti en 2004 sur le label Perlon.

Le lieu le plus fou où vous avez mixé ?
Sûrement le festival d’architecture Bellastock, il y a quelques mois, dans le Never Chill Out Van. Sinon, on organisait de « petites » fêtes entre potes qui étaient de joyeux bordels. C’est de là que vient notre collectif.

Le type de requêtes reloues qu’on vous demande souvent pendant un set ?
Quand on te demande quelque chose qui n’a rien à voir avec ce que tu es en train de jouer, comme du Reggaeton quand tu passes de la techno.

Selon vous, qui sont les noms electro-house à suivre dans les mois à venir ?
Il faut plus regarder du côté de la techno mais assurément les DJs de La Basse Cour !

Une playlist qui habillerait musicalement l’utopie aujourd’hui ?
Utopie ou dystopie, voilà ce qui nous branche bien en ce moment.

René Audiard – Nowa Huta
Lazar Cezar – Sun2216 (Understand 004)
Petre Inspirescu – Un Livret De Duminica
Radiq – Eastern Hemisphere (Thomas Melchior’s ethno dub remix)

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HYDROPATHES (House/Techno – LA CHAUFFERIE 3h-5h)

On a commencé à rédiger ce paragraphe pour introduire cette joyeuse bande du XVIIIe, et puis vu l’application et la précision des réponses de Louis Meunier, leur directeur artistique, et Dj pour son projet duo electro Logarythme, le mieux reste qu’ils se présentent d’eux mêmes. Pas de doute, on aura affaire à des passionnés jeudi soir.

D’où est venue l’idée du projet ? du blaze ?

HYDROPATHES

Hydropathes c’est une association qu’on a fondé en 2013 avec des potes après plusieurs années d’existence informelle. On défend avant tout une identité, celle du quartier où on est né et où on a grandi : Montmartre et ses périphéries, Pigalle et les Abbesses. Notre but est d’encourager les initiatives artistiques et de faire vivre la ville. Nous sommes :
– Des musiciens de tous bords : groupes de funk, jazz, rock, mais aussi rappeurs, et créateurs de musiques électroniques, djs.
– Des artistes de l’image : photographes, ingénieurs sons et images venus du cinéma, peintres, dessinateurs.
– Des artisans d’objets : designers d’objet, architectes, scénographes, couturiers, créateurs de bijou.
– Les Brasseurs de La Binche (bière brassée aux abbesses), partenaires des Hydropathes.
Par ailleurs, nous organisons régulièrement des soirées (privées ou publiques), ou grâce à des partenariats. Le blaze a l’origine c’est le nom d’un club littéraire fondé par le poète Emile Goudeau au 17ème siècle. Les membres se retrouvaient a Montmartre ou ils s’adonnaient a l’alcool, et a la poésie. On se voit un peut comme leurs descendants, des années plus tard, mais avec le même état d’esprit : chiller, créer, refaire le monde.

LOGARYTHME

Logarythme c’est mon projet techno, le nom c’est un mélange de deux noms Louis & Gaspard, LO & GA. Avec Gaspard Gog on s’est rencontré l’année dernière. Ça faisait deux ans que je mixais sur paris pour des soirées organisées avec Hydropathes dans divers clubs, et lui débarquait de Marseille et cherchait des repères à Paris. Ce qui m’a d’abord marqué chez lui c’est sa culture en matière de musique électronique, il n’en écoutait pas depuis longtemps mais il connaissait déjà énormément de choses. La techno est un style très vaste avec énormément d’artistes différents. Il y a du bon, du mauvais mais c’est toujours très difficile de faire quelque chose de personnel. Moi j’avais plus l’expérience du milieu, et de la technique (je me servais de séquenceurs et faisais mes propres productions depuis un bon moment). Lui avait vraiment une idée claire de ce qu’il voulait, le courant est bien passé et on a très vite fait des progrès. On a eu des dates assez rapidement pour mixer et se faire la main devant un public, peu de temps après on a intégré le label Tracknart. On devrait sortir nos premières tracks bientôt, mais pas sur soundcloud ou myspace car on tenait a en faire un vinyle, c’est un objet qu’on apprécie beaucoup.

Que ce soit pour la bière ou la musique, quel est votre style? Quelles machines préférées ?

Les musiciens hydropathes évoluent dans des styles biens différents, il y a des rappeurs, des groupes de funk, de rock psychadelic. Il y a vraiment une fusion des styles, chacun s’inspire des autres. Et puis certains possèdent plusieurs projets, vont voir ailleurs, nous ne sommes pas cantonnés à un genre. Nous pouvons être chanteur de rock, beatmaker de hiphop et dj/producteur de techno à la fois, ce n’est pas un problème. Cependant la musique électronique occupe une place importante dans le collectif, c’est un peu ce qui nous a réuni en premier lieu, c’est elle qui nous tenait des nuits entières en club, ou lors de fiestas entre nous. C’est vraiment un mouvement nouveau, moderne, propre à notre époque et sa technologie.

Dans Logarythme la machine possède une place aussi importante que nous humains. Les « outils » utilisés vont définir le style (samplers, synthétiseurs, boites a rythme). Nous avons pour base Ableton un logiciel de séquençage sur lequel nous écrivons du son. Les machines produisent des textures sonores particulières, que ce soit des éléments rythmiques ou mélodiques. Le rendu final est un mélange de choix personnels qui vont dépendre de notre état d’esprit du moment (plutôt calme ou énervé, positif ou négatif…). On essaie de rester dans une optique dancefloor pour l’instant. On aime faire danser les gens, après peu importe le style (techno, house, minimal, dub techno). En DJ set nous nous servons de platines vinyle et CD.

Quand on vient d’un village comme Montmartre, la Machine est-elle la plus belle salle des fêtes ?

La machine est pour moi un des meilleurs clubs de paris, voir LE meilleur. Non seulement c’est à deux pas de chez moi mais en plus c’est un des seuls ou on peut avoir le choix entre plusieurs scènes, c’est aussi un des seuls ou il y a de l’air, de l’espace pour danser pour ceux qui n’aiment pas être trop serrés. Le système son aussi est au top. Le seul hic c’est le fumoir mais j’ai arrêté de fumer donc ce n’est plus un problème. Il y a aussi une super programmation techno avec les soirées BLOC, et Sonotown.

C’est quoi la plus grande crainte quand on mixe devant des centaines voire des milliers de personnes ?

Une coupure de courant ! Ou autre problème technique, lorsqu’on est dj on est complètement dépendant du bon fonctionnement du matériel. Rater une transition aussi, mais ça arrive.

L’EDM, ça passe mieux après 1 g/L de sang ? Sinon quel son faudrait-il mettre à ce moment là ?

Il existe aujourd’hui de nombreux styles d’EDM dont beaucoup s’éloignent de l’aspect « Dance ». Ce n’est plus forcement une musique festive, il existe des morceaux d’EDM, tout à fait écoutables au calme chez soi (tempo plus lent, mélodies…). Le problème majeur autour de cette musique est que ses producteurs sont considérés comme des metteurs d’ambiance avant d’être vus comme des musiciens. Les seuls endroits où ils peuvent s’exprimer sont des clubs, ou des bars. Dans ces lieux, remplacez la musique électronique par du rock, ou de la funk ça m’étonnerait que ça fasse baisser le taux d’alcoolémie du public. Ce qui ce passe c’est que pour bien comprendre certains aspects de la musique électronique, il faut mettre de côté ses idées reçus sur la musique en général car elle est conçue de manière complètement différente des autres. La boucle par exemple, le procédé qui consiste a répéter un même motif tout le long d’un morceau est quelque chose de très perturbant pour des personnes qui n’ont pas l’habitude, ils vont trouver ça ennuyeux et répétitif et vont passer à côté de l’intérêt réel du morceau. L’état d’ébriété permet à ces mêmes personnes de prendre du recul, oublier l’aspect monotone et de s’adonner à la danse, et suivre le rythme sans se poser de questions. C’est à ce stade là qu’ils pourront (ou pas) saisir la progression, les subtilités du son, c’est à ce stade qu’ils font abstraction de ce qu’ils ont l’habitude d’entendre et jouent le jeu. Il n’y a pas de gimmicks joyeux qui reste dans la tête et que l’on peut fredonner, ni de paroles, ou de riff de guitare mais il y a une intensité, une ambiance. Toutes ces personnes qui dansent au même BPM, et qui réagissent en même temps aux breaks et aux montées, tout cela crée une sorte de transe, une énergie commune. Mais l’intérêt est qu’il n’y a ni besoin de drogue, ou d’alcool pour atteindre cet état, juste un peu d’ouverture d’esprit. S’il fallait absolument être bourré pour aimer ça je serais dans un sale état !

D’ailleurs mixer bourrés, ça vous arrive souvent ?

Ca m’est arrivé au début oui lorsque j’avais le trac, je me disais que ça le ferait passer, qu’il fallait que je me mette dans l’ambiance. Mais du coup il m’est arrivé de rater des mix a cause de ça, ou d’avoir l’impression de ne pas avoir été au top. Après je ne dis pas qu’il y a une bonne ou une mauvaise façon de faire, certains dj’s sont même meilleurs bourrés.

Une petite playlist éméchée ?

Quelques sons qui m’inspirent en ce moment (tous styles mélangés) :

Aphex Twin – Polynomial-C
Denzel Curry – « Parents »
Karenn – Wideyed
Mac Demarco – Chamber of Reflection
My Mind is going – Michael Newman
Mixtion – UVB
Iori – Spatiotemporal
Julian Casablancas+The Voidz – Human Sadness